Du corset aux courbes…

… La mode se refait une beauté !

Par Élise ALVES-MOREIRA et Chloé TITONE

Depuis des temps immémoriaux, les femmes se battent pour leurs droits, y compris celui de choisir leurs vêtements. Mais quand cette lutte impactera-t-elle véritablement le monde de la mode ?

Il y a un siècle, les femmes se libéraient du corset, mais aujourd’hui encore, les mannequins semblent être pris dans un corset invisible, luttant pour s’en défaire.

Naomi Campbell, Cindy Crawford et Iman Abdulmajid, ces noms ne vous disent rien ? Elles ont réussi sans être dans l’idéal de la femme blanche. Pourtant, malgré leur succès, la diversité était encore en marge. En effet, elles partagent une caractéristique frappante : leur silhouette élancée. Dotées de jambes infiniment longues, de traits délicats, de jeunesse et de charisme éclatant, elles incarnent l’essence même de la beauté et de l’élégance des années 90. Elles ont dominé l’industrie de la mode, en symbolisant cet idéal de « super modèle ».

Une multitude de corps mais une seule quête …

Dans les années 2000, l’avènement des médias sociaux a donné une voix aux marginaux, initiant des discussions sur l’inclusivité et la diversité dans la mode. Des mouvements tels que le body positive et les luttes féministes ont ébranlé les normes traditionnelles de beauté.

Depuis 2010, la société a pris conscience de l’importance de l’inclusivité, poussant l’industrie de la mode à changer. Des campagnes comme « #BlackModelsMatter », lancée en 2015, ont mis en lumière le manque de représentation des mannequins noirs dans l’industrie de la mode. Désormais elles sont de plus en plus nombreuses sur les podiums et sont devenues des it girls très demandées.

En 2016, Rihanna lance un mouvement, avec sa marque Fenty Beauty, proposant 50 teintes de fond de teint, allant de la plus claire à la plus foncée, et plus tard en prônant la beauté de tous les corps, à travers sa marque de lingerie, Savage X Fenty. Depuis lors, de plus en plus de marques et de créateurs ont pris des mesures pour inclure une plus grande diversité de corps, de genre, d’ethnies et de capacités dans leurs campagnes publicitaires et leurs défilés de mode. Que ce soit Miu Miu avec ses mannequins d’âge mûr ou Ester Manas avec ses femmes enceintes, la diversité est au rendez-vous. La mode adaptative s’est également développée, avec des marques comme Kiabi ou Tommy Hilfiger qui conçoivent des vêtements pour les personnes handicapées. Cette évolution marque un pas vers l’acceptation de la diversité humaine.

« Nous espérons que certains ne feront pas un AVC en voyant un défilé 100% inclusif »
Ester Manas

En parallèle, on note que le show iconique de lingerie Victoria’s Secret n’a pas eu lieu. Un signe ? Les anges de Victoria’s Secret seraient-ils trop loin de la réalité ? La marque de lingerie a récemment connu ce que l’on pourrait qualifier de « descente aux enfers ». Pour rebondir, elle n’a eu d’autre choix que de s’ancrer dans son époque en changeant totalement de stratégie de vente et de communication. En 2021, la marque lance sa première collection de lingerie inclusive baptisée PINK Adaptative. Et quoi de mieux pour marquer le coup, que de faire défiler des femmes en fauteuil roulant, de petites tailles, avec un membre bionique, aveugles, amputées, atteintes de trisomie 21… lors du défilé Runway of Dreams à la Fashion week de New York, en septembre dernier. Cependant, Victoria’s Secret a obtenu un chiffre d’affaires bien inférieur à ses shows habituels. Ce sera donc le retour des Anges pour la saison prochaine.

La mode une boucle impitoyable

D’autres personnalités illustrent cette inclusivité limitée : Paloma Eslesser et Jil Kortlevet ont des courbes et surtout représentent l’image du « body positive«  mais répondent à tous les autres critères d’une beauté dite « classique ». Elles ont les cheveux lisses, pas de poils, ni de cellulites et encore moins d’acné. Mais si elles ont envahi les podiums et les couvertures de magazines, c’est surtout parce que, hormis leurs rondeurs, elles présentent une valeur ajoutée marketing, du fait de leur appartenance à une minorité. Elles sont la caution « inclusivité » des grandes maisons.

Bien que le nombre de marques utilisant des mannequins grande taille ait augmenté de 374% entre 2018 et 2022, leur représentation sur les podiums reste faible. Sur les quatre fashion week automne-hiver 2022, seulement 2,34% des mannequins féminins étaient plus size, avec pour seuls exemples les maisons Dior, Nina Ricci et Ester Manas. Pourtant des morphologies différentes s’étaient frayé un chemin sur les podiums lors des saisons dernières. Serait-ce la fin d’un cycle ?

De plus, depuis quelque temps, l’esthétique de la culture populaire du début des année 2000 revient sur le devant de la scène. Les crop-top, mini-jupes, jeans taille basse sont plus tendance que jamais. Tous ces symboles de la première décennie du siècle ont largement pris d’assaut les collections, embarquant avec eux les traits stéréotypés de cette époque : silhouette ultra mince, ventre plat, peau blanche et corps valide, excluant de fait toute forme de diversité corporelle. ​​Rien à voir donc avec la promesse d’une mode post- #MeToo libérée des stéréotypes de genre, des discriminations et où les visages marqués de rides et les courbes arrondies ne feraient plus tache… La décision des Kardshian d’enlever leurs formes confirme que la tendance s’inverse. Aujourd’hui, Bella Hadid est devenue l’icône de toutes. Serait-ce le retour de bâton ? 

En 2023, le thème du Met Gala était le travail de Karl Lagerfeld, un choix révélateur, illustrant le retour en arrière de la fashion sphère. Karl Lagerfeld, prôneur du glam des années 90 et de ces mannequins excessivement fines, était ouvertement grossophobe et refusait de faire défiler des mannequins grandes tailles.

Finalement ces actions sont jugées « opportunistes » par plus de la moitié des français. Bien sûr qu’il y a ici un effet tendance ! Cette diversité apparente serait plutôt de l’apparat. Mais malgré tout, est ce que cela n’a pas contribué à faire avancer les choses ?

Brisez les codes, pas les coutures : L’inclusivité prend d’assaut le podium.